Connais-toi toi-même

Cette phrase était écrite sur un des frontons du temple de Delphes, dans la Grèce antique. Pour les Grecs, les oracles rendus par la Pythie dans ce temple étaient empreints d'une vérité absolue. C'est justement la Pythie qui avait dit à Socrate qu'il n'y avait nul homme plus sage que lui. Ce dernier, pour vérifier les révélation de l'oracle, s'est mis à questionner les gens pour en trouver qui soient plus sages que lui. Il découvrit bien vite que tout le monde s'imaginait tout savoir alors qu'il ne savait rien. Et Socrate en vint à la conclusion que le fait qu'il savait qu'il n'était pas sage faisait de lui le plus sage de tous. 

Socrate affectionnait particulièrement la devise du temple. Il la citait abondamment. Cette phrase est aujourd'hui vieille de plusieurs millénaires, mais déjà, à l'époque reculée où elle fut pensée, où l'on croyait encore que la foudre était l'œuvre de Zeus, on avait compris que la connaissance de soi était primordiale.
Aux débuts de la civilisation, donc, on savait déjà que pour pouvoir être heureux, il fallait tout d'abord se connaître soi-même, qu'il n'y avait que par la par la connaissance de soi que l'on pouvait être en mesure de déterminer ce qui pouvait nous rendre heureux. 

Et quand on se connaît bien soi-même, on est plus difficilement influençable, moins sujet aux abus de ces charlatans qui exploitent notre ignorance. Plus on se connaît soi-même, donc, plus on sait comment être heureux et comment rester heureux sans que personne ne vienne troubler notre bonheur.

Mais est-il possible qu'un individu se connaisse de façons absolue? C'est-à-dire, est-il possible qu'une personne se connaisse parfaitement, qu'elle connaisse les moindres détails de sa personnalité de sorte que son bonheur soit absolument parfait et immuable?

En théorie, on pourrait appeler ce niveau absolu de connaissance de soi comme étant le nirvana tant recherché par les bouddhistes. Or, l'absolu est pour moi un piège qu'il faut à tout prix éviter car il tend à nous faire croire en des acquis dans un monde où pourtant rien n'est éternel, si ce n'est l'existence en elle-même. 

En pratique, donc, une parfaite connaissance de soi est sans doute impossible. De toutes façons, la personne qui se connaît parfaitement n'a plus rien à apprendre et n'a plus à changer. C'est la stagnation , le statisme qui s'installe alors. Ou devrait-on plutôt dire la mort, car à bien y penser, l'homme qui meurt n'apprend plus et n'a plus besoin d'apprendre. Pas plus qu'il n'a besoin de changer. L'homme vivant, lui, apprend tous les jours sur lui-même, pour peu qu'il se donne la peine de tirer des leçons de se qu'il vit, et si son objectif est d'être heureux, il cherchera dans ce cas à retirer le maximum de chaque instant qu'il vit.
Il voudra vivre un maximum d'expériences les plus diverses pour connaître sa réaction face à telle situation et voudra également apprendre un maximum de chose sur son monde pour justement être à même de mieux situer ses expériences et ses réactions dans le monde qui l'entoure. 

Plus il connaîtra de choses sur son monde et plus il connaîtra sa réaction face à ce monde qui est le sien, plus il sera en mesure de déterminer ce qui le rend heureux.