HADÈS, ROI DU MONDE SOUTERRAIN

Hadès, dieu grec des morts (en grec: "l'invisible").

Fils des titans Cronos et Rhéa,  frère de Zeus, Poséidon, Hestia, Héra et Déméter. 

Après avoir été relâché par Chronos grâce à  son frère cadet Zeus, Hadès prit part à la guerre contre son père à la tête des Titans. Les Cyclopes l’armèrent d’un casque qui rendait invisible quiconque le portait. Ce casque servit ensuite à d’autres divinités (Athéna et Hermès) et même à des héros comme Persée.

Quand Zeus, Poséidon et Hadès se partagèrent l'univers après avoir renversé leur père Kronos, Hadès reçut le monde souterrain, les Enfers ou Tartare. Il devint ainsi le seigneur des morts tandis que Zeus recevait le Ciel et Poséidon la Mer. Dans l' Illiade, Hadès est aussi appelé le "Zeus souterrain". 

Hadès n’apparaît que rarement dans les légendes, comme il se doit pour celui dont le nom signifie en grec "l’invisible". Il n’intervient guère que dans deux récits: celui du rapt de Perséphone, la fille de Déméter , mentionné par Hésiode -Théogonie , 913-914- et  Homère  -l’"Hymne à Déméter"-, et celui de la descente d'Héraklès aux Enfers.

Hadès était tombé  amoureux de sa nièce Perséphone. Mais Zeus, père de Perséphone,  n'avait pas consenti au mariage. En effet, ce dernier n'arrivait pas à se résoudre à laisser la jeune fille éternellement dans les profondeurs où séjournent les ombres.  

: avec la complicité plus ou moins ouverte de Zeus, Hadès enlève la jeune fille (Korè) tandis qu’elle cueille des narcisses et lui donne à manger une graine de grenade afin que, comme tous ceux qui ont pris de la nourriture au séjour des morts, elle ne puisse plus regagner la lumière. Devant les représentations de Déméter, Zeus finira toutefois par obtenir de Hadès un compromis. On ajoute que l’union des deux divinités infernales fut sans postérité.

Le second est celui d’Héraklès, auquel Hadès tenta de s’opposer lorsque celui ci du descendre dans les Enfers. de la descente du héros aux Enfers. Blessé d’une flèche à l’épaule, Hadès dut être emmené sur l’Olympe où Péan le guérit.

 

Bien que sinistre et sans pitié, insensible aux prières et aux sacrifices, il n'était pas un mauvais dieu. Les Romains l'appelaient Pluton, le «!donneur de richesses!», parce que les récoltes et les métaux précieux venaient de son royaume souterrain. Il veille néanmoins fort jalousement sur son épouse et est le dieu le plus haï des hommes. Assisté de démons et de génies multiples (Charon, le passeur ; Cerbère, le chien aux nombreuses têtes), il ne permet à aucun de ses sujets, misérables ombres, de revenir parmi les vivants.

Le monde souterrain lui-même était souvent appelé l'Hadès. Il était divisé en deux régions : l'Érèbe, où passaient les morts juste après leur décès et le Tartare, la région la plus profonde, où les Titans avaient été emprisonnés. C'était un endroit sombre et triste, habité par des ombres et gardé par Cerbère, le chien à trois têtes et à queue de dragon. De sinistres fleuves séparaient les enfers du monde d'en haut et le vieux passeur Charon faisait traverser ces eaux aux esprits des morts. Le palais d'Hadès, situé quelque part dans l'obscurité du monde souterrain, était un endroit plein de portes, sombre et triste, et hanté par des apparitions. Dans des légendes postérieures, les Enfers sont décrits comme l'endroit où les bons sont récompensés et où les méchants sont punis.

 

 

Sur sa demeure infecte, "le séjour de l’Hadès frissonnant", comme dit Hésiode (Les Travaux et les jours , 153), que même les dieux ont en horreur (L’Iliade , XX, 61 et suiv.), il veille jalousement en compagnie de son épouse Perséphone, dont le caractère n’est pas moins amer, impitoyable, inflexible et cruel que le sien, et il est de tous les dieux celui que les mortels haïssent le plus (L’Iliade , IX, 157). 

 

Aucun culte de Hadès n’est vraiment attesté, et c’est par des euphémismes que les mortels évoquent généralement le dieu redouté entre tous ; le plus courant est celui de Pluton, "le riche", allusion à la richesse inépuisable de la terre, et dont le symbole est la corne d’abondance. Si l’être se mesure à l’éclat de la présence et de la parousie, alors il n’est pas de salut pour les morts ni de chemin de retour, et s’ils vivent encore, c’est comme ombres et dans la mémoire des hommes, à la mesure des brillantes actions dont ils ont marqué leur passage.

ENFERS ET PARADIS

5. L’autre monde selon Homère

Dans la Grèce ancienne, on croyait que les âmes des morts descendaient du tombeau dans l’Hadès, vaste caverne qui s’étendait à l’intérieur de la terre. Là régnaient les dieux de l’enfer. Au-delà de l’Océan, se trouvaient les îles Fortunées, où étaient miraculeusement transportés les héros. Homère décrit les ombres des morts plongées dans une torpeur à demi consciente : elles ne retrouvaient leurs forces et leur mémoire qu’en s’abreuvant du sang des victimes. À Rome également, l’enfer, l’Orcus, était imaginé comme une grotte obscure plongée dans les ténèbres. Quant aux Étrusques, leurs enfers souterrains étaient peuplés de démons terrifiants.

Toujours selon Homère, l’Hadès était arrosé par quatre fleuves, dont les eaux le séparaient du monde des vivants. Le vieux batelier, Charon, transportait les âmes des morts sur l’autre rive. Un chien monstrueux, Cerbère, gardait les portes de l’enfer. Il n’existait aucune distinction entre les coupables et les autres ; nulle récompense, ni punition. Et pourtant, même cette existence larvaire était préférable au sort de celui qui n’avait pas de funérailles. " Ensevelis-moi au plus vite, dit l’ombre de Patrocle à Achille, afin que je passe les portes de l’Hadès. Des âmes sont là qui m’écartent, m’éloignent, ombres des défunts. Elles m’interdisent de franchir le fleuve et de les rejoindre. " (Iliade , ch. XXIII, 71 et suiv.)

Mais au chant XI de L’Odyssée , dans un passage de date plus récente, on rencontre les premières allusions aux châtiments infligés dans l’Hadès. Il est vrai qu’il ne s’agit pas des pécheurs ordinaires, mais de trois personnages mythologiques qui avaient commis de graves offenses contre les dieux : Tityos, Tantale et Sisyphe. Ulysse aperçoit le premier, étendu sur le sol : deux vautours lui déchiraient le cœur. Tantale, consumé d’une soif ardente, était " debout dans un lac dont l’eau, plus limpide que le cristal, affleurait à son menton " ; mais, chaque fois qu’il se penchait pour boire, l’eau s’évanouissait. Des arbres inclinaient jusqu’à lui leurs rameaux chargés des fruits les plus délicieux ; mais chaque fois que Tantale levait les mains pour les cueillir, un ouragan soudain redressait les rameaux tentateurs. Quant à Sisyphe, Ulysse le décrit travaillant des pieds et des mains pour hisser une roche énorme jusqu’au faîte d’une montagne : " Mais au moment où, hors d’haleine, il était tout près d’y placer cette masse, quelque force invisible la repoussait ; et, une fois de plus, retombait puis dégringolait la maléfique roche. "

6. Enfer et paradis orphiques

Il est probable que ce passage de L’Odyssée  reflète des influences orphiques. Ce sont en effet les orphiques qui ont modifié la conception traditionnelle de l’autre monde. Selon leurs vues, on subit dans l’Hadès la peine des péchés qu’on n’a pas expiés sur la terre. En descendant aux enfers, l’âme sera châtiée ou récompensée suivant ses fautes ou ses mérites. " Les coupables sont condamnés à de longues souffrances. Plongés dans un bourbier, ils se verront infliger un supplice approprié à leur pollution morale, comme des pourceaux aiment à se vautrer dans la fange ; ou bien ils s’épuiseront en vains efforts pour remplir un tonneau percé ou pour porter de l’eau dans un crible, image, suivant Platon, des insensés qui s’abandonnent, insatiables, à des passions toujours inassouvies. En réalité, il s’agit peut-être de la punition de ceux qui, ne s’étant pas soumis aux ablutions cathartiques, doivent, dans l’Hadès, apporter constamment, mais en vain, l’eau du bain purificateur. " (F. Cumont, Lux perpetua. )

Désormais, il existe deux séjours distincts, celui des bons et celui des méchants, les champs Élysées et le Tartare (l’Hadès). Les champs Élysées, situés par Homère dans les îles Fortunées, furent transportés dans l’empire de Pluton. Quant au Tartare, les orphiques semblent le réserver à ceux que la gravité de leurs crimes, comme s’exprime Platon, a rendus incurables. Quand, par exemple, ils ont commis de nombreux et terribles sacrilèges, des meurtres volontaires, lâches et violents, ils sont précipités dans le Tartare et jamais plus n’en ressortent. Les non-initiés, c’est-à-dire tous ceux qui n’ont pas connu l’initiation orphique, vont souffrir dans un bourbier fangeux jusqu’à ce que, purifiés, ils renaissent à une autre existence terrestre.

Le paradis orphique, promis aux initiés, était une région bienheureuse du monde souterrain, prairies émaillées de fleurs où abondent les arbres chargés de fruits, où les âmes se reposent dans une douce lumière, participent aux danses et aux chants sacrés, et festoyent à des tables dressées sous les ombrages de beaux jardins.

Mais, puisque le chemin qui conduit vers l’autre monde est semé de périls, l’initié est averti de l’itinéraire qu’il doit suivre et des formules qu’il doit prononcer. Les inscriptions sur les lamelles d’or orphico-pythagoriciennes, trouvées dans les tombeaux des IVe-IIIe siècles, décrivent les deux chemins qui s’ouvrent devant l’âme. " Tu trouveras à gauche de la demeure de Pluton une source, à côté d’elle se dresse un blanc cyprès. Garde-toi bien d’approcher de cette source-là. Mais tu en trouveras une autre près du lac de la Mémoire, d’où s’échappe une eau fraîche, et devant elle sont deux gardiens. Dis-leur : " Je suis fils de la Terre et du Ciel étoilé, mais ma race est céleste et vous-mêmes le savez. Je suis altéré de soif et je me meurs. Vite, donnez-moi l’eau fraîche qui coule du lac de la Mémoire. " Et eux-mêmes te donneront à boire de la source divine et désormais tu régneras au milieu des autres héros. "

La " soif du mort " est un thème qu’on rencontre abondamment dans les croyances de l’Orient antique et du monde méditerranéen. Sur une tablette orphico-pythagoricienne, il est écrit : " Je brûle et me consume de soif... " Dans l’enfer, le riche implore Abraham pour qu’il envoie Lazare et, en trempant le bout de son doigt dans l’eau, lui rafraîchisse la langue, " parce que je suis torturé dans cette flamme " (Luc, XVI, 24). Et le christianisme exalte le locum refrigerii , le " lieu de verdure et de repos ", promis aux fidèles. Mais dans le nord de l’Europe, où la souffrance humaine se traduit en termes de basse température (froid, gelée, marais glacé), l’enfer est dit gwern  (marais) et ses plus fréquents épithètes sont oer , oerfel  (froid) ou rhew  (glacé).

Certes, les philosophes et les mystiques ont rejeté ces conceptions populaires de l’autre monde. Dans le discours qu’Ovide prête à Pythagore dans ses Métamorphoses , celui-ci critique l’image traditionnelle du Tartare : " Ô genre humain, que consterne l’effroi d’être glacé par la mort, pourquoi redoutez-vous le Styx ? Pourquoi des ténèbres infernales et des noms vides de sens, matière à poésie, et périls d’un monde fictif ? Les âmes sont exemptes de la mort et, abandonnant toujours leur siège antérieur, elles vivent dans de nouvelles demeures. Tout change, rien ne périt, le souffle vital circule, il va et vient de-ci de-là, et se saisit à sa guise d’organes divers ; des bêtes, il passe dans des corps humains, du nôtre dans ceux des bêtes, et jamais il ne se perd. " (Ch. XV, v. 153 et suiv.)

Vers la fin du paganisme, surtout sous l’influence du dualisme oriental, une nouvelle formule s’impose. L’autre monde n’est plus imaginé comme une caverne creusée au sein de la terre, où descendent les ombres de tous les morts ; et d’autre part, l’Élysée et le Tartare ne sont plus considérés comme deux domaines contigus du royaume de Pluton. L’enfer et le paradis sont radicalement séparés dans l’espace : le premier est situé dans l’obscurité du sous-sol, tandis que le paradis est projeté dans la lumière éternelle du ciel.