Temples et autres lieux sacrés 

Depuis la plus haute antiquité, dieux et héros sont honorés dans des lieux qui leur sont réservés ; ces lieux s'appellent hiéron, chargé de puissance sacrée. Si tout endroit peut devenir hiéron, certains ont une vocation particulière à l'être : source, grotte, promontoire, sommet, lieu foudroyé, boisé, où les Grecs sentaient naturellement la présence du divin. D'autres pouvaient le devenir à la suite d'un oracle, d'un signe des dieux. (Sophocle, Oedipe à Colone, Xénophon, Anabase) 

Mais la tendance dès la fin de l'époque géométrique, à la fin du VIII ème siècle, fut de délimiter nettement espace sacré et espace profane. C'est ainsi que la fondation d'une ville commence d'abord par une répartition entre terres réservées aux dieux et terres allouées aux hommes. (Platon, Lois) Le terrain délimité et consacré aux dieux porte le nom de téménos, ce qui signifie précisément " coupé ", sous-entendu de la terre qui n'est pas sacrée. 

Chez Homère un téménos est attribué à un héros, à un souverain pour l'honorer et lui assurer des revenus. (Homère, Iliade) Le téménos réservé à un dieu s'il peut être laissé en friche, est souvent, lui aussi, exploité pour son compte. De là l'attention faite à sa délimitation matérielle : il peut être simplement borné de pierres dégrossies, reliées parfois par une corde, sur lesquelles est inscrit le nom du dieu ou du héros propriétaire, ou encore clos d'une enceinte, soit barrière de bois soit véritable mur, qu'on appelle péribole. Ces bornes et ces clôtures sont l'objet d'un entretien et d'une surveillance régulière ; tout empiétement sur le domaine des dieux est un acte sacrilège, sanctionné comme tel . Quand il sert au culte, cet espace sacré constitue un sanctuaire. 
Les uns, sanctuaires urbains, sont localisés à l'intérieur de la ville, sur l'acropole, sur l'agora (l'agora d'Athènes est un téménos, entouré de bornes inscrites et lieu de multiples cultes) ; d'autres, sanctuaires suburbains, sont situés à la limite ou à faible distance de la ville comme celui d' Athéna Pronaia à Delphes. D'autres enfin sont des sanctuaires extra-urbains, établis dans le territoire de la cité, la chôra, à l'écart des villes, parmi lesquels figurent les plus célèbres sanctuaires panhelléniques, celui d'Olympie, de l'Isthme (au N.E. de Corinthe), de Némée (dans le Péloponnèse, en Argolide). Ils constituent souvent la frontière entre deux territoires ou un point de jonction entre le monde cultivé et le monde sauvage. Dans tous les cas, ces sanctuaires sont un lieu de rassemblement et un moyen de souder la communauté. 

Propriété des dieux, espace sacré, le sanctuaire est l'objet d'une réglementation minutieuse visant à le protéger de toute souillure (miasma) et d'acte sacrilège. La première règle valable partout, est l'obligation de purification ; toute personne en contact avec le sacré se doit en effet d'être dans un état de pureté rituelle, l'hagnéia. (Homère, Iliade) Le fidèle doit pour accéder au
sanctuaire se purifier avec l'eau lustrale mise à sa disposition dans des vasques de pierre ou de marbre à l'entrée, les périrrhanthéria. Il s'y trempe les mains ou s'en asperge avec une branche de laurier pour se débarrasser de ses impuretés. 

Tout contact avec la mort ou la naissance rend impur et écarte des lieux sacrés pendant une période variable selon les sanctuaires ; ces " impuretés innocentes "nécessitent de plus des purifications par l'eau faites à la maison. Au meurtrier qui a versé le sang et qui se trouve de ce fait exclu de la communauté et des sanctuaires, (Sophocle, Oedipe Roi) des rites spécifiques de purification, les rites cathartiques, effectués notamment par le sang, permettent d'éliminer sa souillure et de retrouver un état normal, en règle avec le divin, état qualifié de hosion. (Eschyle, Les Euménides) D'autres règlements particuliers cette fois à tel ou tel sanctuaire, pouvaient mentionner d'autres espèces d'interdits relatifs aux vêtements, au port d'armes, de bijoux, à l'introduction de certains animaux. 

Le caractère sacré du sanctuaire se communique à tout ce qui s'y trouve ( eau, arbres, bosquets, objets consacrés) et à quiconque y pénètre : il est asylon, lieu d'asile, ce qui signifie que nul n'a le droit de prise (sylè) à l'intérieur de son enceinte. Aussi offre-t-il un refuge sûr à ceux qui viennent s'y installer en suppliants dans la posture rituelle, qui consiste à s'asseoir près de l'autel du dieu ou à côté de sa statue avec le rameau d'olivier orné de bandelettes. (Eschyle, Les Suppliantes) Le non respect de l'asylie est considéré comme sacrilège entraînant souillure et malédiction divine, et puni sévèrement par les lois humaines. (Plutarque, Solon) 

Si modeste soit-il, un téménos destiné au culte, renferme au moins un autel qui est le seul monument cultuel vraiment indispensable. L'autel, généralement situé en plein air, est de deux sortes selon la nature des sacrifices qu'on effectue : pour les sacrifices de type sanglant, destinés aux dieux, avec partage et consommation des victimes, l'autel, bômos, comprend un foyer surélevé sur un socle où l'on brûle les parts des dieux et où l'on rôtit les parts des hommes. 

Il est de taille variable selon l'importance du sanctuaire et le plus souvent en pierre ou en marbre ; on connaît grâce à Pausanias, un autel de Zeus à Olympie formé uniquement de l'accumulation des cendres de sacrifice, ou encore un autel d'Apollon à Délos composé entièrement de cornes de chèvres. Pour les sacrifices dits chthoniens destinés aux divinités infernales et aux héros, l'autel bas, désigné du nom du foyer, eschara, est déposé à même le sol ; les victimes y sont entièrement brûlés (holocauste) et le sang est versé dans un trou qu'on appelle bothros. 

En plus de l'autel un téménos quelque peu important, possède une statue de culte et reçoit des offrandes qu'il faut abriter sous des édifices typiques du sanctuaire grec classique : le temple, les trésors, les portiques. Le temple, naos, de la racine du verbe naiein "habiter", est la demeure du dieu, non celle des fidèles. Il a une fonction utilitaire, dans la plupart des cas, celle de renfermer la grande statue du dieu et les offrandes qui lui sont faites. (Pausanias, Périégèse) On peut aussi y conserver le trésor de la cité ; les richesses d'Athènes sont conservées dans le Parthénon , les archives de l'Etat dans le temple de la Mère des
dieux, le Mètrôon. 

Certains temples toutefois ont une fonction cultuelle, avec des autels à l'intérieur où se déroulent les rituels, ainsi le temple d'Apollon à Delphes ou les temples d'initiation aux mystères, comme celui d'Eleusis. 
Temples-trésors ou temples-sanctuaires, ils sont de plan rectangulaire - les temples ronds, tholos, sont plus rares- et comportent trois pièces, le naos, pièce centrale où se dresse la statue, un vestibule, le pronaos et symétrique à lui, séparée du naos par un mur, une pièce arrière, l'opisthodome. 
Ces temples sont peints de couleur vive et comportent des parties sculptées (les frontons, les métopes, la frise), illustrant les grands moments de l'histoire des dieux et des hommes. Les trésors, eux, sont plus petits que le temple ; ils sont construits et consacrés par les cités pour conserver les offrandes de leurs concitoyens. Des portiques enfin où les fidèles peuvent se reposer et converser, servent également à abriter les offrandes ; ils sont ornés souvent de peintures représentant d'illustres scènes de combat mythologique ou historique . 

Dans la maison, les dieux ont aussi leurs emplacements réservés. A la porte, est placé un pilier surmonté du buste d' Apollon Agyieus " de la rue" ou d'hermès Propylaios " qui est devant la porte "; chargé de détourner le mal de la maison, il est oint d'huile et couronné de fleurs les jours de fête. 

Dans la cour, se trouve l'autel de Zeus Herkéios, "de la clôture", où le maître de maison fait sacrifices et libations. C'est à l'intérieur cependant que se déroulent les actes rituels essentiels, autour de l'autel d'Hestia, le foyer, qui est le vrai centre religieux de la maison. Il en est de même de la cité : le Foyer commun, la Hestia Koinè, dont la flamme est alimentée aux autels les plus purs, autel d'Apollon à Delphes ou à Délos, en est le centre religieux et politique.